La Révolution et l'urbanisation
A l’instar des magnifiques décors artistiques qui en ornent l’intérieur, l’histoire de l’église Saint-Germain-des-Prés, est très riche. En presque 1500 ans d’existence, elle a traversé de nombreuses périodes de l’histoire française. En tant que basilique mérovingienne au VIe siècle, elle est le premier mausolée des rois de France jusqu'à ce que Dagobert Ier eût fait bâtir celle de Saint-Denis en 639. Détruite par les Normands à la fin du IXe, l’ abbaye est dotée d’un nouveau chœur construit avec les techniques innovantes de style gothique au XIIe siècle.
Puis, ses bâtiments monastiques sont reconstruits à la manière du « gothique rayonnant ».
Jusqu’au XVIIIe, l’abbaye grandira et s’érigera en véritable centre spirituel, intellectuel et artistique. Elle est célèbre pour ses moines copistes, qui font circuler leurs enluminures dans toute l’Europe et les savants qui y ont laissé leur empreinte : Mabillon, Montfaucon et Descartes y sont enterrés.
Parmi toutes les transformations qu’elle a subi, c’est sans doute la Révolution française qui la marqua le plus. La fin du XVIIIe correspond à un moment de rupture pour Saint-Germain-des-Prés, la Révolution clôture son grand cycle d’abbaye, pour devenir église paroissiale (Cf annexes : vocabulaire architectural).
De l’église à la raffinerie de salpêtre
Lors de la Révolution, les biens de l’abbaye Saint-Germain-des-Prés sont nationalisés puis vendus. Les ordres monastiques sont abolis et les moines expulsés. Comme d’autres monuments religieux parisiens à la même époque, elle cesse ses activités religieuses. La révolution signe la fin de la période de l’abbaye.
Abbaye de Saint-Germain-des-Prés avant la Révolution en 1739 : véritable ville dans la ville. Sources : https://www.tombes-sepultures.com/crbst_2013.html
En 1792, la Convention nationale réquisitionne l’abbaye pour en faire une usine de raffinement de salpêtre. Ce sel de pierre doit être raffiné pour devenir la poudre utilisée pour alimenter les canons et ainsi soutenir la Révolution. On le récupère sur les murs humides, les vieux plâtras. Puis on lessive le matériau ainsi ramassé, et l’évaporation du liquide permet d’obtenir les cristaux recherchés.
En 1794, les quinze tonnes de poudre à canon stockées dans le réfectoire des moines s’enflamment. L’ensemble du monastère est ravagé et voit deux de ses trois clochers s’écrouler.
L’explosion ayant fortement endommagé l’architecture de l’ensemble du monastère, l’urbanisme du quartier est repensé.
Vers une nouvelle urbanisation du quartier de Saint-Germain-des-Prés
A la suite du Concordat de 1802, la ville de Paris devient propriétaire et affecte l’église à la paroisse de Saint-Germain-des-Prés. Les anciens bâtiments de l’abbaye étant ravagés, sa destruction est envisagée mais des voix s’élèvent en faveur de sa préservation, notamment celle de Victor Hugo.
Par conséquent, seulement une partie de l’ancienne abbaye est démolie pour percer la rue de l’Abbaye, qui longe aujourd’hui le nord de l’église et mène au palais abbatial construit en 1543.
Une nouvelle période de renaissance et de rayonnement s’inaugure : l’église Saint-Germain-des-Prés fait l’objet de grands chantiers de restauration durant tout le XIXe siècle.
La ré-affection de son espace et les différentes campagnes de restauration modifient en profondeur son aspect. En 1820, Hyppolite Godde, architecte de gros œuvre sauve la chapelle axiale. Baltard, architecte successeur du premier, appelle en 1843 le peintre décorateur Hyppolite Flandrin pour mener la restauration des programmes de peintures qui durera jusqu’en 1870. Ce sont celles que l’on voit aujourd’hui.
La Révolution a donc été le point de départ de la modernisation de Saint-Germain-des-Prés. Les restaurations ont permis à la paroisse de renaitre de ses cendres au sein d’un quartier, qui a pris son nom et lui doit sa renommée internationale.
Vocabulaire architectural
Pour comprendre l’étendue des transformations que subit l’abbaye à la Révolution, revenons sur le vocabulaire architectural des églises.
Une abbaye est un monastère dont les bâtiments se conforment à une règle architecturale précise. Son bâtiment central, l’église, jouxte l’abbatiale autour de laquelle se structure l’ensemble du monastère. A côté de l’abbatiale, on trouve ensuite généralement le cloître, puis les salles communes, l’infirmerie, la bibliothèque, le cellier, le parloir. Ainsi, une abbaye est un royaume à part entière dans lequel les moines évoluent en totale autarcie. De 543 à la fin du XVIIIe, Saint-Germain-des-Prés est une abbaye, fonctionnant comme une véritable ville dans la ville, et contenant même dans son enceinte une exploitation agricole.
Une paroisse désigne une communauté précise de fidèles dont la charge pastorale est confiée à un curé. En 1802, lorsque ses biens lui sont redonnés, Saint-Germain-des-Prés devient une paroisse qui rejoint le diocèse de Paris, dont elle dépend. Une nouvelle ère commence : l’église paroissiale se tourne vers l’extérieur, elle anime la vie du quartier.
Sources :
- Association Art, Culture et Foi, Saint-Germain-des-Prés au fil du temps, Paris, Imprimerie Clerc- Saint-Amand-Montrond, 2019
- https://fr.aleteia.org/2017/08/27/quest-ce-quune-abbaye/
- https://www.histoire-image.org/fr/etudes/revolution-eglise-1791